LE MAÏS : L’ARBRE QUI CACHAIT LA FORET

Dans l’imaginaire populaire la culture de maïs est responsable de tous les maux : irrigation démentielle, dégradation des sols. En effet, en période de crise, il faut trouver un bouc émissaire. Nous avons décidé de rédiger cet article pour éclaircir certains points et apporter des chiffres qui permettront à tout un chacun de se faire sa propre opinion.

En pleine saison estivale, il n’est pas rare de voir des cultures de maïs arrosées par des systèmes de « canon » (enrouleur), et vous avez peut-être l’impression qu’ils sont constamment arrosés. En découle alors l’idée que le maïs est très gourmand en eau. Contrairement aux idées reçues, la culture de maïs consomme moins d’eau que d’autres céréales : selon des données du CNRS citées fréquemment par le monde agricole, 1 kilogramme de maïs grain nécessite environ 454 litres d’eau pour être produit, quand l’orge en nécessite 524, le blé et la pomme de terre 590 et le soja 900.

Il faut savoir qu’un excès d’eau et tout aussi (voire plus) préjudiciable qu’un stress hydrique pour nos cultures. C’est pour cela que nous équipons depuis plusieurs années nos exploitations d’outils permettant de gérer et d’optimiser l’irrigation de nos parcelles. En investissant, par exemple, dans des sondes capacitives, nous suivons l’état hydrique de nos sols à différentes profondeurs, ce qui nous permet de déclencher nos irrigations de manière optimale. De plus, nous carottons régulièrement nos parcelles afin d’effectuer des analyses de terre, ce qui nous permet de connaitre la structure de nos terrains, la réserve utile et la réserve facilement utilisable de nos sols. Enfin, nos systèmes d’irrigation sont équipés de programmateurs électroniques qui permettent de paramétrer et personnaliser l’arrosage en fonction de la nature même de nos parcelles.

La culture du maïs est coûteuse (semences, fertilisation, mécanisation, etc.), sans pour autant être très rémunératrice à l’hectare. C’est pour cela que les producteurs implantent ces cultures sur des parcelles à fort potentiel agronomique (bonnes réserves utiles, bon niveau nutritionnel, riche en matière organique) afin de minimiser au maximum les dépenses sur le poste « irrigation » et fertilisation.

Pour information, ces 10 dernières années nous avons perdu plus de 50 % des surfaces céréalières et en ce qui concerne le fourrage il y a un risque de suivre le même chemin que les céréales.

Aujourd’hui, les images que vous voyez sur cette vidéo proviennent d’une parcelle de maïs sur la commune d’Aléria en bordure du Tavignanu qui n’a pas reçu une seule goutte d’eau d’irrigation avant le stade « floraison male ». En effet, les conditions climatiques et la bonne gestion de l’irrigation de la part du producteur, vont permettre de déclencher le 1er tour d’irrigation très tardivement (cette semaine s’il n’y a pas d’orage), et nous pensons que cette parcelle ira au bout de son cycle en ayant eu au maximum 2 tours d’irrigation, soit environ 800 mètres cubes/hectare. Si l’on ramène cela au grain produit, ce maïs aura nécessité seulement 60 m3 soit 6 mm d’eau d’irrigation par tonne. Nous sommes donc ici dans une gestion optimale de l’eau de la part du producteur

En Haute-Corse, la culture de maïs représentait en 2023 environ 350 ha, essentiellement en plaine orientale. Le rendement moyen, calculé au travers de références technico-économique (établit en 2019 par la CDA2B), s’élevait à 11t/ha. Ce qui représente près de 4000 t de grain de maïs intégralement consommé localement par nos cheptels ovins, bovins, caprins.

A l’heure où l’on parle d’autonomie et de souveraineté alimentaire, il serait intéressant de continuer nos efforts dans la bonne gestion de nos cultures estivales, sans pour autant les dénigrer sur la place publique.

Pour conclure, nous essayons d’adapter au mieux les cultures aux aptitudes agronomiques de nos sols. Cependant, au vu des conditions climatiques actuelles et des restrictions d’irrigation que notre filière (céréale et fourrage) subit, nous espérons que le préjudiciable n’impacte pas la pérennité de nos exploitations sachant qu’elles contribuent à 100 % à l’autonomie alimentaire insulaire.